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Chronique internationale : Palestine (Conférence de Madrid)

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Le Quotidien d’Algérie, 23 octobre 1991

Suivre le menteur jusqu’à sa porte, tel semble être le crédo de la délégation palestinienne qui ira aux négociations de la Conférence de la paix organisée à Madrid. C’est en effet, sans aucune conviction que les Arabes, Palestiniens et Jordaniens en tête, ont accepté la rencontre avec les Israéliens. L’observateur non averti a le droit d’être surpris. Voilà une conférence dont on parle depuis des années, réclamées à corps et à cris par tous les démocrates de la terre et qui, grand paradoxe, ne soulève aucun enthousiasme tant on se doute du résultat final. A cela, plusieurs raisons :

La première concerne le pourquoi, ou plutôt l’origine politique de la future rencontre. Retour en arrière de quelques mois. La Guerre du Golfe et ses néologismes. Le nouvel ordre international et cette incessante ritournelle servie par les USA : « Désormais, la justice sera ». Où trouver meilleure justification à l’agression contre l’Irak ? Une arme à double tranchant puisque l’administration Bush devait montrer que ce nouvel ordre n’était pas celui des deux poids et deux mesures. Et si le Koweït venait à être libéré, le Liban ou la Palestine, ne devaient pas être oubliés.

Et c’est là que réside l’explication de l’acharnement de James Baker, à amener les deux camps ennemis à s’asseoir à la même table. Reconnaissons au moins à l’Amérique, la valeur de son initiative, valeur résidant en grande partie dans sa fermeté vis-à-vis du gouvernement Shamir qui a tout fait pour se dérober. Une fermeté qui n’en est pas moins inoffensive dans la mesure où elle n’a aucune conséquence sur la position d’Israël. Et là réside la seconde raison qui motive le peu d’optimisme par rapport à la Conférence et la stratégie de l’Etat sioniste : d’un côté, une délégation qui attend (espère ?) non seulement un pas vers la récupération des territoires occupés sinon la création d’un Etat palestinien et de l’autre, un bloc de mauvaise foi totale qui annonce que les discussions sur la paix, concept très vaste et nébuleux, ne doivent souffrir d’aucun préalable et qu’il n’est surtout pas question de parler de restitution de Ghaza et de la Cisjordanie.

Il apparaît ainsi clairement qu’il se prépare un simulacre de négociations dont on voudrait faire croire qu’elles sont le rendez-vous du siècle et qui risquent de n’être qu’une triste cacophonie politique sur fond de dialogue de sourds. Et force est donc de constater que cette conférence est organisée parce qu’elle devrait l’être au regard de l’opinion mondiale et que les risques qu’elle présente pour les Palestiniens sont énormes. Loin de nous l’envier de jeter la pierre aux participants arabes. Un refus aurait été suicidaire, son exploitation médiatique détruisant l’image du rameau d’olivier jadis brandi par Yasser Arafat. Un Arafat dont on n’arrive pas vraiment à accepter que son organisation ne soit pas représentée. Et l’on se demande si tout cela a un sens et si une lueur est vraiment susceptible d’apparaître.

Cela d’autant plus que la droite israélienne a, d’ores et déjà, décidé de pratiquer la surenchère de manière à torpiller la conférence. Qu’il s’agisse des fondamentalistes religieux ou du ministre de l’habitat, Ariel Sharon (responsable du massacre de Sabra et Shatilla), tout converge vers le même temps. Poursuite des implantations dans les Territoires occupés et appel à de nouvelles élections législatives pour faire chuter le gouvernement actuel et priver les Palestiniens d’un interlocuteur officiel. Mais ces gesticulations israélo-israéliennes font vraisemblablement partie d’une même ligne de comportement héritée de Golda Meir ou Begin qui consiste à exiger sans avoir rien à offrir.

Une stratégie qui sera appliquée de manière systématique vis-à-vis de la délégation jordano-palestinienne mais qui risque d’être un peu plus flexible par rapport à la Syrie. Les craintes d’une initiative syrienne au détriment de la cause palestinienne sont en effet, sérieusemnt prises en compte car, il semble que la restitution réelle du plateau du Golan soit une concession israélienne possible. Une concession qui pourrait pleinement satisfaire la Syrie sans pour autant que la restitution des Territoires occupés ne soit envisagée. Un risque qui existe comme en témoigne la visite éclair effectuée par Yasser Arafat à Damas. Une visite qui cherche à resserrer des liens biens distendus par le temps et les conflits passés.

Belkaïd Akram
  

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