Le Quotidien d’Algérie, 13 octobre 1991
Belkaïd Akram
Que dire d’un ouvrage qui se veut celui d’un
historien mais dont le contenu est d’un vide désespérant ? Quand donc les
acteurs de la Guerre de libération et de la vie politique du pays qui décident
de se mettre à écrire comprendront-ils que l’Algérien est las des règlements de
compte et des procès d’intention mais qu’il attend plutôt des informations
véridiques et des réponses concernant des événements qui conditionnent sa vie
d’aujourd’hui. Le fait est, hélas, que le livre de M’Hamed Yousfi (*) n’apporte
aucune lueur sur un passé récent dont certains voudraient qu’il soit bétonné à
jamais.
Délaissant la rigueur nécessaire à
l’historien, l’auteur s’est borné à énumérer pêle-mêle quantité d’anecdotes
qui, d’ailleurs, sont pour la plupart connues tout en n’approfondissant jamais
les idées présentées. Ainsi sont passées sous silence les véritables raisons de
la crise de l’été 1962 alors qu’une argumentation fallacieuse donne son
absolution à l’instauration du parti unique. Qu’il s’agisse de la Guerre des
sables, du coup d’Etat de 1965 ou de la crise du Sahara occidental de 1976,
l’anecdotique prendra toujours le pas sur l’argumentation, l’analyse et surtout
l’objectivité. Une objectivité qui se laisse peu à peu, au fil de l’ouvrage,
submerger par un sentiment anti-boumedieniste évident auquel s’oppose un
pro-benbellisme qui se veut critique.
« Le pouvoir 1962-1978 » se divise
en plusieurs parties plus ou moins cohérentes entre elles qui s’achèvent par la
présentation de documents officiels telle la déclaration de novembre 1954 ou un
condensé indigeste de la Charte nationale. Mais chaque livre a son intérêt et
celui de M’Hamed Yousfi, qui nous a habitué à mieux, possède au moins le mérite
de présenter plusieurs documents photographiques inédits qui, à eux seuls,
valent le détour. Témoin cette photo en couverture, vraisemblablement prise
lors d’un défilé, où se côtoient Ahmed Ben Bella et Houari Boumediene. Une
couverture qui attirera de manière systématique le regard du client. Une astuce
que nos marchands de légumes connaissent bien. Le fardage est une bien vilaine
chose et ni un titre accrocheur ni une belle photo ne remplaceront jamais un
écrit rigoureux et bien organisé.
Belkaïd Akram
(*) M’hamed Yousfi, Le Pouvoir 1962-1978,
édité à compte d’auteur.
L’auteur : M’Hamed Yousfi a été tour à
tour membre du Comité central du Parti du peuple algérien (PPA-MTLD) et de
l’Etat-major de l’Organisation secrète (OS) avant d’être membre
politico-militaire de la Wilaya V avec pour responsabilité l’armement et la
logistique. A l’indépendance, il est nommé directeur général de la Sûreté
nationale puis Ambassadeur d’Algérie en Suisse.
PS : Cet article fut entaché d’une bien vilaine coquille dans
la présentation de l’auteur ce qui obligea Le Quotidien d’Algérie à publier le
rectificatif suivant :
« Dans la fiche de lecture, consacrée à l’ouvrage de M’Hamed
Yousfi : ‘Le pouvoir 1962-1978’, une malencontreuse erreur de frappe a
présenté l’auteur comme étant membre de l’OAS. En fait, il s’agit de l’OS
(Organisation spéciale). Les lecteurs auront rectifié d’eux-mêmes. Quant à
nous, nous présentons nos excuses à l’auteur. [signé] Rubrique culturelle. »
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