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Zaïre : Mobutu compose

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Le Quotidien d’Algérie, 3 octobre 1991

Une semaine après les émeutes qui ont secoué Kinshasa, la situation politique au Zaïre est loin d’être rassurante car elle s’inscrit dans le schéma désormais classique qui relie les régimes totalitaires à parti unique et les explosions populaires. Dans ce type de scénario, le président est toujours obligé de manœuvrer afin de préserver son pouvoir. Les astuces sont nombreuses qui consistent par exemple à proclamer le multipartisme ou à décréter la démocratie. Mais la manœuvre la plus savante est celle de nommer une personnalité de l’opposition au poste de Premier ministre et d’essayer par là même de focaliser l’attention du peuple sur lui.

Il semble que c’est la stratégie adoptée par le président Mobutu, stratégie qui pourrait tout de même s’avérer ne pas être payante car si ce dernier semble enfin avoir repris le contrôle de ses troupes – qui ont largement contribué au pillage de la capitale, il n’en demeure pas moins que sa position devient plus inconfortable. La nomination d’Étienne Tshisekedi, président de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) et considéré comme étant l’un des plus durs adversaires du maréchal, est la première grande concession apportée par ce dernier à l’opposition depuis l’instauration du multipartisme au Zaïre. Ce geste, ajouté au limogeage du chef de l’état-major des armées, pourtant proche de Mobutu, ne devrait pas suffire à lui sauver la mise. Une économie exsangue, des richesses pillées par les multinationales, une capitale dévastée et, surtout, un mécontentement général de la population, sont autant de points d’ombre qui risquent de faire échec à la stratégie du président.

Le problème est clair. Il faut à tout prix que le gouvernement d’Étienne Tshisekedi soit en place avant toutes nouvelles émeutes. La cherté de la vie, l’inflation galopante peuvent prendre de vitesse le maréchal Mobutu, de même que le fait que la constitution du gouvernement risque d’être longue car si l’investiture du nouveau premier ministre devant les députés du parti unique ne devrait pas poser trop de problèmes, il pourrait en être autrement concernant la nomination des ministres avec tout ce que cela peut provoquer comme luttes de clans et d’influences. Une course contre la montre avec un lourd handicap pour un homme qui a régné sans partage sur le Zaïre depuis près de vingt-cinq ans.

Belkaïd Akram
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