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Chronique internationale : Tibet

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Le Quotidien d’Algérie, 17 octobre 1991


Tibet. Capitale Lhassa. Pourquoi parler de ce pays alors que l’actualité semble si loin du toit du monde ? Simplement en raison d’une association d’idées liée à l’attribution du prix Nobel de la paix. Il y a deux ans en effet, le prestigieux lauréat avait été le Dalaï-Lama, véritable divinité vivante adorée par tout un peuple dont on connaît très peu la situation actuelle. Un peuple oublié, vivant une guerre oubliée.

C’est au début des années Cinquante que la Chine de Mao annonçait officiellement le « rattachement du territoire chinois du Tibet » à la république chinoise. Une nouvelle qui passa alors inaperçue et dont très peu s’émurent. Le contexte était alors à la guerre froide et le sort de quelques centaines de milliers de Tibétains ne pouvait souffrir la comparaison avec les grandes crises mondiales telles que l’affaire du Canal de Suez. Une résistance locale vit pourtant le jour. Celle des Khambas, cavaliers nomades qui réussirent à infliger quelques défaites à l’armée maoïste avant d’être submergés par le nombre et l’artillerie moderne. Depuis, une chape de plomb s’est abattue sur le pays. Aucune activité, qu’elle soit religieuse ou politique, n’est autorisée. Parfois, quelques émeutes qui, lorsqu’elles arrivent à durer, obligent les autorités chinoises à publier des commentaires laconiques sur les « contre-révolutionnaires du Tibet ».

Les observateurs avertis savent que la population n’est pas domptée, et le Dalaï-Lama, lui-même, ne se prive pas, dès lors qu’on lui en donne l’occasion, de parler et de dénoncer l’arbitraire. Les mouvements de contestation existent et existeront toujours. L’information arrive parfois au détour d’un touriste égaré ou d’un alpiniste sur place par hasard. Des confrères y ont même laissé leurs vies. Anonymement, loin de toute passion.

Mais pourquoi parler du Tibet alors que Palestine, Liban ou Afrique du Sud ? Tout simplement pour dire que le malheur d’un peuple n’est pas quantifiable. Que cette fin de siècle est celle des deux poids, deux mesures. Qu’ils soient Palestiniens, ou Indiens d’Amazonie, ceux qui souffrent n’ont vraiment que faire de l’attribution d’un prix Nobel tant les dés semblent truqués. L’évidence est là. Ne compter que sur soi-même, et cela est déjà beaucoup, telle semble être la seule alternative. Faillite des idéologies révolutionnaires, asservissement graduel de l’URSS, le bout du tunnel est encore loin pour tous les petits de la Terre.
 
Belkaïd Akram
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